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In Memoriam : El hadj Abdoulaye Thiam

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La mort est souvent le lieu de discours convenus sur les défunts. Mais qu’on me permette de penser que ce défunt-là, toute sa vie préoccupé par “l’humaine condition”, mérite bien des éloges post-mortem.

A quelques mois d’intervalle, la famille Thiam connaissait de terribles épreuves avec le décès d’Adam Thiam. Et le 19 janvier 2022, la mort nous arrachait El hadj Abdoulaye Thiam, l’Aîné, le Baobab. Il est extrêmement malaisé de parler d’un homme qui fut non seulement un grand frère, mais aussi un conseiller, un guide, une référence.

La mort est souvent le lieu de discours convenus sur les défunts. Mais qu’on me permette de penser que ce défunt-là, toute sa vie préoccupé par “l’humaine condition”, mérite bien des éloges post-mortem.

Un exemple d’humilité. J’ai rarement connu un homme aussi pénétré de la précarité des choses et de la certitude que seul le bien devait être notre crédo sur cette terre. A cette fin, il acceptait ce qui me paraissait inacceptable. Je compris plus tard son aversion pour le mal et son désir permanent de ne jamais faire du mal.

D’une générosité inouïe, il n’hésitait jamais à se dépouiller pour venir en aide à ses semblables. Son entourage ne comprenait pas toujours ses largesses. Et quand on lui faisait le reproche, il répondait toujours que l’existence ne dure qu’un court moment et qu’il ne servait à rien d’être méchant. Un tel homme ne peut avoir d’égards pour les honneurs et la gloriole.

Le sens de la famille inégalé. A ce niveau, difficile de suivre ses pas. Grand rassembleur, il nous exhortait à ne jamais perdre de vue les liens sacrés de la parenté et même au-delà, les amis et les liens tissés par la famille.

Les parents où qu’ils se trouvent, les familles de ses amis décédés depuis, les voisins du quartier qui recevaient sa visite tous les matins… tous peuvent témoigner de son inaltérable humanisme. Malgré la maladie, il lui arrivait souvent de nous rappeler notre présence à tel baptême, mariage ou décès.

Ah les décès ! Y avait-il seulement à Bamako un homme qui a enterré autant ? L’oreille collée au transistor, il ne ratait aucune annonce nécrologique. Il se faisait un point d’honneur à participer personnellement à chaque enterrement de parents bien sûr, mais aussi des amis et de simples relations.

Abdoulaye Thiam m’a appris l’humilité et la simplicité. J’ajouterai à son crédit le don de soi et le stoïcisme dans les moments difficiles. En effet, les coups du sort ne l’ont point épargné. Trois de ses jeunes frères partis avant lui, mais également son fils aîné Amadou Thiam. Nous savions que ces décès l’avaient terriblement affecté. Mais il n’en laissait rien paraître.

Je sais au fond de moi-même qu’il souhaitait partir avant ses frères et son fils. Mais c’était un homme de foi, un grand croyant qui ne contestait jamais le décret divin chevillé au corps. Le militant. Il s’est battu pendant des années en tant que secrétaire à l’organisation du Syndicat national de l’éducation et de la culture (Snec). Ce poste lui a permis de découvrir à travers les missions, la Côte d’Ivoire, la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), la Libye et plusieurs Etats de l’ex-Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et de l’ancien bloc de l’Est comme la Tchécoslovaquie.

Abdoulaye Thiam fut également membre fondateur de l’Union des écrivains du Mali (UEM), de Cri-2002 et de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH). L’esprit toujours en éveil, et malgré ses multiples centres d’intérêt, il n’a jamais oublié qu’il était avant tout un être social.

Au crépuscule de sa vie, il était effaré par de nouveaux comportements inadmissibles pour le “Soudanais” qu’il était demeuré. Appâts du gain, ignorance, courses aux honneurs, toutes choses qui le révoltaient. C’est à cet homme qui prônait les valeurs intemporelles de la dignité et de l’honneur, cet homme d’ouverture que je dédie ces mots. Il me manquera comme il manque à sa famille, mais nous tâcherons d’honorer sa mémoire.

Salut Mawdo ! Car tu fus grand partout où tu es passé et conservé de solides amitiés. Finkolo, Bafoulabé, Oussoubidiagna, Koursalé, Bancoumana, Bamako. Dors en paix !

  Me Mohamed Thiam Avocat à la Cour

Aujourd’hui-Mali

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