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Présidentielle en Gambie: «pour la première fois, on a des élections ouvertes et compétitives»

Meguetan Infos

En Gambie, la campagne électorale de l’élection présidentielle vit ses derniers feux. Elle prend fin demain, jeudi 2 décembre 2021. Six candidats sont en lice pour ce premier scrutin de l’ère post-Jammeh, mais deux figures dominent le débat : le sortant Adama Barrow et l’opposant historique Ousainou Darboe. Quels sont les rapports de force ? Quel rôle l’ancien président Yaya Jammeh est-il susceptible de jouer dans cette élection ? Pour en parler, notre invité ce matin est le chercheur Mathias Hounkpè, qui dirige le programme de gouvernance politique de l’ONG OSIWA. Il répond aux questions de Laurent Correau.

RFI: Que retenez-vous de cette campagne électorale gambienne ?

Mathias Hounkpe : C’est la première fois dans le pays qu’on peut dire qu’on a des élections qui sont ouvertes et compétitives. Comme vous le savez, aujourd’hui, la Gambie fait partie des pays de la sous-région où les réseaux sociaux et l’internet sont le plus utilisés. Cette liberté de paroles a lieu depuis le départ de [Yahya] Jammeh. Vous avez une sorte d’ouverture quasi complète de l’espace d’expression en Gambie.

Cette élection présidentielle a des allures de duel entre l’actuel président Adama Barrow et un opposant historique Ousainou Darboe. Quels sont à grands traits les avantages des deux hommes ?

L’avantage de [Adama] Barrow, qui est le président sortant, est qu’il a été chef d’État pendant cinq ans et donc, ce qu’on appelle l’avantage du pouvoir va l’aider. Le deuxième avantage que je lui trouve est quand même qu’il a réussi à nouer une alliance avec le parti de l’ancien président de la République, le parti de Yahya Jammeh. Le deuxième, c’est monsieur [Ousainou] Darboe et son parti UDP [Parti démocratique unifié, en anglais United Democratic Party] qui a l’avantage d’avoir été, je dirais, l’opposant historique sous Jammeh et a vécu les vicissitudes que connaissent les oppositions à un moment donné en Afrique, donc aller en prison, aller devant la justice, etc. Et il faut reconnaître que son parti demeure l’un des partis les plus forts. En Gambie, aux législatives de 2017, son parti avait obtenu la majorité relative, presque 37% des voix. Donc, il a gagné 31 sièges sur 53. Donc, je pense que les deux seront les deux premiers candidats pour la présidentielle.

Adama Barrow, à la base, est un agent immobilier qui, contre toute attente, remporte l’élection présidentielle gambienne du 1er décembre 2016. Est-ce qu’il reste quelque chose, cinq ans après, de la vague qui l’a porté au pouvoir ?

C’est difficile à dire, parce que lorsque vous regardez les promesses qui ont précédé son élection, on peut dire que les Gambiens restent sur leur faim. Vous vous imaginez, aucune des réformes majeures, qui devaient suivre le départ de Yahya Jammeh et du système institutionnel et légal qu’il avait mis en place pour maintenir son régime autoritaire, n’a pu avoir lieu. Par exemple, les réformes en matière de liberté de presse, la révision de la Constitution, le processus de vérité, réconciliation et réparation, aucune de ces initiatives n’est allée jusqu’à terme, et avec des résultats concrets.

Et comment est-ce que la population réagit à cela, est-ce qu’elle est frustrée de ce manque de mouvement ?

La population est très frustrée, c’est très difficile d’anticiper la manière dont cela pourrait s’exprimer dans les urnes. Et en même temps, comme vous le savez dans nos pays, les élections ont une dimension un peu régionale quasiment ethnique. Aussi bien, [Ousainou] Darboe que [Adama] Barrow, chacun est en train de faire ce calcul ethnique de façon fine.

Yahya Jammeh, lui, est parti en exil en Guinée équatoriale. Est-ce qu’il continue à jouer un rôle sur la scène politique gambienne à distance ?

Absolument. Je crois qu’on ne peut pas apprécier la situation politique en Gambie sans penser à Yahya Jammeh. Actuellement, son parti a noué une alliance avec le président Barrow pour les élections, mais lui, Jammeh s’est distancé de cette alliance et apporte son soutien à un autre candidat. Et il est déjà arrivé ces derniers jours que, pendant la campagne de ce candidat, il appelle et qu’on amplifie sa voix au téléphone pour qu’il parle à la foule. Donc, Yahya Jammeh continue de tenter de jouer un rôle. Mais c’est très difficile de dire aujourd’hui quel est encore l’impact que sa voix peut avoir sur les électeurs.

RFI

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