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Afrique – COP26 : le financement de l’adaptation, le nerf de la guerre

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URGENCE. Plus vulnérable au changement climatique, l’Afrique n’a concentré que 26 % des financements climatiques, l’adaptation restant le parent pauvre.

En 2009, à la conférence sur le climat de Copenhague, les pays développés s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an, à partir de 2020, pour aider les pays en voie de développement à faire face aux effets du changement climatique par l’adaptation et l’atténuation.

Dix ans plus tard, l’objectif n’a pas été atteint et vient même d’être reporté à 2023. Une date butoir savamment calculée. Selon un recensement mené ces derniers mois par l’Allemagne et le Canada, publié le 25 octobre et prenant en compte les tout derniers engagements des États et des banques multilatérales de développement, c’est seulement à partir de cette date que « le financement fourni et mobilisé par les pays développés au titre de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement devrait atteindre 100 milliards » de dollars, d’après les experts du Plan de mise en œuvre collectif, mandatés par la présidence britannique de la COP26 et l’OCDE.
Un retard à atteindre les objectifs qui n’est pas sans conséquence
Les chiffres sont alarmants : aujourd’hui, les coûts estimés des mesures pour réduire l’exposition des pays en développement aux impacts du réchauffement sont cinq à dix fois plus élevés que les financements dirigés vers cette adaptation, s’est inquiétée l’ONU jeudi 4 novembre, au moment où se tient la 26e conférence sur le climat à Glasgow (en Écosse).

L’adaptation, c’est-à-dire les mesures pour réduire l’exposition et la vulnérabilité des pays et populations aux effets du changement climatique est un point important de l’accord de Paris visant à limiter le réchauffement, qui insiste notamment sur les besoins d’aide en la matière des pays en développement, souvent les plus exposés.

Par exemple, le continent africain – le plus vulnérable au changement climatique alors qu’il émet à peine 3 % du gaz à effet de serre produit dans le monde – n’a concentré que 26 % des financements climatiques, soit 18,5 milliards de dollars par an.

Le président malgache, Andry Rajoelina, en sait quelque chose. « Mes compatriotes endurent le tribut d’une crise climatique à laquelle ils n’ont pas participé », a alerté le chef de l’État lors d’un sommet consacré à l’accélération de l’adaptation en Afrique qui s’est tenu mardi. À Madagascar, 1,3 million de personnes vivent en situation de détresse alimentaire après un cumul de quatre années sans pluie. La situation de Madagascar a été présentée comme la première sécheresse causée par le réchauffement climatique dû à l’homme.

C’est « la seule famine liée au changement climatique sur terre », a insisté, Aduino Mangoni, directeur adjoint du PAM à Madagascar, soulignant que celles qui frappent aujourd’hui le Yémen, le Soudan du Sud et la région éthiopienne du Tigré sont toutes provoquées par des conflits.
Vu d’Afrique, le financement de l’adaptation reste l’enjeu majeur de ce rendez-vous mondial
Un rapport publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), jeudi 4 novembre et intitulé « La tempête qui s’annonce », éclaire sur les données. En 2019, les pays riches ont fourni 79,6 milliards de dollars d’aide climat aux pays en développement, mais les deux tiers en faveur de projets de réduction des émissions, l’adaptation restant le parent pauvre.

Mais selon ce nouveau rapport du PNUE sur l’adaptation, les besoins sont de plus en plus importants : dans la fourchette haute de la précédente estimation de « 140 à 300 milliards de dollars par an d’ici à 2030 » et de « 280 à 500 milliards par an d’ici à 2050 » pour les seuls pays en développement.

« Malgré les limites liées aux données disponibles, les coûts estimés de l’adaptation et les probables besoins de financement pour l’adaptation dans les pays en développement sont cinq à dix fois plus élevés que les flux de finance publique internationale destinée à l’adaptation », souligne le rapport.

Et « les preuves suggèrent que cet écart est plus important que lors du dernier rapport 2020 et qu’il s’accroît ». Alors que dans un monde qui a gagné environ + 1,1 °C depuis l’ère préindustrielle, les catastrophes climatiques se multiplient déjà et que les engagements climat des États mèneraient vers un réchauffement « catastrophique » de + 2,7 °C, selon la dernière évaluation de l’ONU avant le début de la COP26.
Une panoplie de financements et de projets…
Pourtant, les projets visant à réduire les dégâts causés par le réchauffement de la planète ne manquent pas, note le PNUE qui, en se fondant sur des données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en recense 2 600 financés par les 10 principaux donateurs entre 2010 et 2019, majoritairement en Afrique, dans le Sud-Est asiatique et au Moyen-Orient.

Les États-Unis sont de loin les premiers bailleurs avec 844 projets par an. Ils sont suivis par l’Allemagne (464), le Japon (259), la France (240). Ils concernent l’agriculture, les écosystèmes, l’eau, les infrastructures.

Fait marquant plutôt positif, tout de même, l’adaptation aux risques climatiques trouve de plus en plus sa place dans les politiques publiques. Près de huit pays sur dix ont déjà adopté un plan ou une loi au niveau national pour affronter les effets du changement climatique. Seul bémol, d’après le PNUE, la mise en œuvre et le financement de ces actions font encore défaut.

Le PNUE regrette également que les gouvernements n’aient pas saisi l’opportunité des plans de relance liés à la crise du Covid-19 pour se concentrer sur des investissements vers une économie verte qui permet aux pays de s’adapter aux impacts du réchauffement, comme les sécheresses, les tempêtes ou les incendies. « Même si nous fermions le robinet des émissions de gaz à effet de serre aujourd’hui, les impacts du changement climatique se poursuivraient pendant des dizaines d’années », a souligné Inger Anderson.

« Nous devons changer de braquet dans l’ambition pour le financement de l’adaptation et sa mise en œuvre pour réduire les dommages et les pertes. Et nous devons le faire maintenant. »
Les comptes ne sont pas bons et risquent même de creuser la dette africaine
Comment faire quand, pour nombre de pays en développement, le coût du service de la dette s’alourdit au point d’entraver les dépenses publiques futures en matière d’adaptation. D’après l’OCDE, les prêts qui représentaient 71 % des financements publics en 2019, continuent d’être plus importants que les dons. Face à cette réalité, les pays en développement doivent aussi s’adapter, c’est-à-dire qu’ils sont obligés d’agir vite contre le changement climatique tout en s’endettant alors qu’une crise de la dette menace la majorité d’entre eux. Pour répondre à ces défis, les pays africains, en collaboration avec le Centre mondial pour l’adaptation, la Banque africaine de développement et d’autres partenaires ont lancé le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (PAAA). C’est un mécanisme qui vise à déployer le financement en faveur de projets d’adaptation sur le continent.
Cap sur des solutions à la COP26
« Le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique change la donne pour l’Afrique en lui permettant d’obtenir des résultats et de produire des effets sur l’adaptation, rapidement et à grande échelle. Il permettra à 30 millions d’agriculteurs de bénéficier de conseils en matière de climat à travers des services numériques. Le programme Technologies pour la transformation de l’agriculture africaine, soutenu par la Banque africaine de développement et la fondation Bill et Melinda Gates, a déjà fourni des technologies résilientes au climat à 11,2 millions d’agriculteurs en deux ans seulement », pousse le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi A. Adesina, dont l’institution est en première ligne.

Et les annonces ne manquent pas. Le président de la COP26, Alok Sharma, a déjà fait valoir un nouveau financement de 197 millions de dollars du gouvernement britannique pour l’adaptation en Afrique. Sur ce montant, 27 millions de dollars soutiendront la facilité en amont du Programme d’accélération de l’adaptation. Il permettra de fournir une assistance technique et de constituer un paquet de projets susceptibles d’être financés. Ces mesures devraient permettre d’attirer près de 1,2 milliard de dollars de financements pour l’adaptation au climat en Afrique. Ces promesses viennent s’ajouter à l’initiative de 8,5 milliards dollars, déjà annoncée, par le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Union européenne et les États-Unis pour aider l’Afrique du Sud à sortir du charbon et un fonds de 1,5 milliard de dollars pour protéger la forêt du bassin Congo.

lepoint.fr

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