La France est irritée par le projet du Niger de vendre 1 000 tonnes d’uranium à la Russie
Afrikmag

La France s’inquiète des informations selon lesquelles la junte militaire nigérienne négocierait la vente d’environ 1 000 tonnes d’uranium à Rosatom, la société nucléaire d’État russe, une initiative qui pourrait accentuer le rapprochement du Niger avec Moscou et éroder davantage l’influence française dans la région.
Inquiétudes croissantes en matière de sécurité
Paris s’inquiète particulièrement des risques sécuritaires, craignant que les cargaisons d’uranium ne soient interceptées ou détournées par des groupes insurgés implantés dans tout le Sahel, et que cet accord ne renforce à terme l’effort de guerre russe en Ukraine.
Selon Le Monde , qui cite plusieurs sources gouvernementales françaises, l’accord, d’une valeur d’environ 170 millions de dollars, porte sur de l’uranium yellowcake stocké à la mine d’Arlit, dans le nord du Niger.
De partenaire français à contrôleur souverain
Le site était auparavant exploité par la société nucléaire française Orano, qui a suspendu ses activités à la suite du coup d’État de juillet 2023 qui a renversé le président Mohamed Bazoum et porté au pouvoir le général Abdourahamane Tiani.
Depuis sa prise de pouvoir, la junte s’est empressée d’affirmer sa souveraineté sur les principaux actifs miniers.
Début 2024, elle a révoqué les licences d’exploitation d’Orano et transféré le contrôle de ses sites d’uranium à des entités étatiques, mettant ainsi fin à cinq décennies d’ implication française dans le secteur nucléaire nigérien.
Les autorités ont également expulsé plusieurs diplomates et dirigeants français du secteur de l’énergie, les accusant d’ingérence et d’« attitudes néocoloniales ».
En août 2025, le gouvernement militaire du Niger a annoncé la nationalisation de la seule mine d’or industrielle du pays, accusant son exploitant occidental de « graves manquements » à ses obligations contractuelles.
Transports à haut risque à travers le Sahel
Selon les informations recueillies, des responsables nigériens et russes organisent un convoi d’une trentaine de camions pour transporter l’uranium à travers le Burkina Faso jusqu’au port de Lomé au Togo d’ici la fin novembre, d’où il serait expédié en Russie.
Selon une source sécuritaire française de haut rang, les deux parties s’efforcent de coordonner la logistique et d’assurer la coopération des autorités burkinabè et togolaises.
L’itinéraire proposé traverse des régions du Sahel contrôlées par Al-Qaïda et des groupes liés à l’État islamique, ce qui fait craindre d’éventuelles attaques ou des vols.
Les responsables de la défense française avertissent en privé que toute tentative de détournement ou d’attaque pourrait avoir des conséquences catastrophiques, l’uranium pouvant tomber entre les mains de réseaux extrémistes déjà responsables de massacres et d’attaques transfrontalières dans la région.
Conséquences stratégiques pour la France
Avant la détérioration des relations, le Niger fournissait jusqu’à 15 % de l’uranium utilisé pour alimenter les centrales nucléaires françaises, ce qui en faisait l’un des partenaires énergétiques les plus importants de Paris.
Au-delà des implications économiques, les responsables français considèrent l’accord annoncé comme un revers géopolitique direct.
Paris craint que le transfert de ressources stratégiques à Moscou ne renforce indirectement l’effort de guerre russe en Ukraine, que ce soit par le biais des revenus énergétiques ou de la collaboration technologique dans le cadre de Rosatom.
Une région à la limite
Le Sahel demeure l’une des régions les plus instables du monde. Malgré le retrait des troupes françaises et occidentales, les attaques des insurgés au Niger, au Mali et au Burkina Faso se sont intensifiées, provoquant le déplacement de centaines de milliers de personnes.
Les gouvernements de ces pays, dirigés par l’armée, ont renforcé leurs liens avec la Russie, embrassant son soutien militaire et son discours sur la souveraineté comme alternative aux partenariats occidentaux.
Les analystes préviennent que l’accord sur l’uranium pourrait encore accentuer ce changement, plaçant des ressources énergétiques essentielles sous l’influence stratégique de Moscou tout en isolant la France d’une région qu’elle considérait autrefois comme centrale dans sa politique africaine.
Une nouvelle réalité géopolitique
Si elle est finalisée, cette vente donnerait à Rosatom un atout précieux dans l’une des régions les plus riches en uranium au monde, renforçant l’influence croissante de la Russie en Afrique de l’Ouest et pouvant potentiellement soutenir son effort de guerre en Ukraine.


