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Génocide au Rwanda : avec son non-lieu, “Agathe Habyarimana va s’en tirer à bon compte”

Meguetan Infos

Après un long parcours judiciaire, un non-lieu a été ordonné ce jeudi 21 août concernant la veuve du président rwandais assassiné Juvénal Habyarimana. Une décision qui contredit le parquet national antiterroriste, qui demandait sa mise en examen pour entente en vue de la commission du génocide des Tutsis en 1994. Cette décision, déplore “Le Pays”, éteint toute possibilité de faire la lumière sur son rôle dans ce crime.

 

Soupçonnée d’avoir joué un rôle dans le génocide d’avril 1994 au Rwanda, Agathe Habyarimana est sur le point de se tirer d’affaire. En effet, visée par une enquête ouverte par le parquet national antiterroriste en France, l’épouse de Juvénal Habyarimana [président rwandais hutu], dont l’assassinat [le 6 avril 1994] a été à l’origine du drame qu’a connu le pays des Mille Collines [le génocide de la minorité tutsi], l’a échappé belle. 

 

À preuve, les investigations sont closes sans qu’elle soit mise en examen [elle était visée depuis 2008 par une enquête en France pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité, et était placée depuis 2016 sous le statut de témoin assisté]. Contrairement à ce qu’espérait le Collectif des parties civiles pour le Rwanda, à l’origine de la plainte, elle a bénéficié d’un non-lieu. Les juges chargés du dossier concluent “qu’il n’existe pas, à ce stade, d’indices graves et concordants contre Agathe Habyarimana prouvant qu’elle ait pu être complice d’acte de génocide. Même si la rumeur est tenace, elle ne peut donc pas faire office de preuve en l’absence d’éléments circonstanciés et concordants.” 
Absence de preuves ne signifie pas innocence
 

C’est donc clair. Sauf revirement de situation, Agathe Habyarimana va s’en tirer à bon compte. Elle qui, depuis 1998, vit recluse en France, loin de la mère patrie. Sans doute que ce non-lieu provoquera des grincements de dents, notamment dans les rangs des victimes et leurs ayants droit. Mais la justice est ainsi faite qu’elle ne peut agir sans preuve. Elle a ses raisons que la raison elle-même ignore. Si fait que ce qui paraît évident pour le commun des mortels ne l’est pas pour elle, qui cherche généralement à démêler l’écheveau avant de sévir s’il le faut.

Toutefois, et en l’espèce, l’absence de preuves ne signifie pas que la veuve de l’ex-président est blanche comme neige. Peut-être y a-t-il des faits qui lui sont reprochés, mais que la justice n’arrive pas à prouver. Car, plus de trois décennies après le génocide, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, emportant avec elle beaucoup d’indices matériels et de pièces à conviction. 

 

En tout cas, rien ne dit qu’Agathe Habyarimana a été injustement accablée ; elle dont le rôle a été maintes fois relevé dans les cercles hutus les plus extrémistes, qui faisaient, à l’époque, la pluie et le beau temps à Kigali. Certes, elle a réussi à échapper aux fourches caudines de la justice des hommes, mais, en son for intérieur, Agathe Habyarimana sait ce qu’elle a posé comme actes durant le massacre des Tutsis dans son pays. Elle ne l’avouera peut-être pas, mais elle restera marquée à vie. 

 

Or, à 82 ans, et n’ayant plus rien à perdre, elle aurait pu soulager sa conscience en donnant sa part de vérité sur ce qui s’est passé en avril 1994 au Rwanda. Cela pourrait, sait-on jamais, lui attirer une certaine sympathie aux yeux de l’opinion internationale, dans la mesure où c’est l’assassinat de son époux qui a été l’élément déclencheur des hostilités. 
Le risque d’un froid entre Paris et Kigali
 

Du reste, justice pour justice, il faudra aussi rendre justice au président Habyarimana. Qui a abattu son avion ? Pour quelles raisons ? À qui a profité le crime ? Autant de questions qui restent, jusqu’à ce jour, sans réponse. Malheureusement, le sujet reste tabou dans la mesure où personne n’en parle. 

 

Surtout pas dans le Rwanda de Paul Kagame, où l’ex-président est présenté, à tort ou à raison, comme un diable. De toute évidence, il ne faut surtout pas compter sur la France pour ouvrir une enquête sur l’affaire Juvénal Habyarimana, au risque de provoquer la colère des autorités de Kigali. 

 

Il faut même craindre que le non-lieu dans l’affaire Agathe Habyarimana ne jette un froid glacial sur les relations entre Paris et Kigali, qui, on le sait, demeurent pour le moins fragiles. Car, Kigali, on l’imagine, aurait voulu voir l’ex-première dame pendue haut et court. Mais le juge en a décidé autrement, estimant qu’il n’existe aucun discours public attestant que la mise en cause a appelé ouvertement au génocide des Tutsis. 

 

En tout cas, Agathe Habyarimana doit s’estimer heureuse. Car, non seulement elle est toujours en vie, mais elle a aussi réussi à se tirer d’affaire là où bien des Rwandais, accusés de participation au génocide, ont été, les uns après les autres, jugés et condamnés, aussi bien en France qu’à travers le monde. 

 

…….Courrier International  

Source : Courrier International

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