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Culture – AES: le rebond vestimentaire d’une souveraineté culturelle retrouvée

Meguetan INFOS.

Depuis quelques années, l’Afrique semble opérer un véritable rebond en matière d’affirmation culturelle. Aux yeux du monde, un signal clair se dessine : le retour assumé aux valeurs identitaires, visibles notamment dans la manière de s’habiller.

En Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso a ouvert la voie sous l’impulsion de Thomas Sankara. Visionnaire et révolutionnaire, il avait imposé le port des tenues traditionnelles lors des grandes occasions nationales et internationales. Par ce geste, il avait non seulement valorisé l’artisanat local, mais aussi inscrit la tenue africaine comme symbole de dignité et de souveraineté. Cette dynamique, loin de s’éteindre, a essaimé dans la sous-région où les tissus locaux se vendent aujourd’hui à prix d’or pour leur authenticité.

Au Mali, cette tendance s’est renforcée avec l’élan de refondation engagé depuis 2020. Le moment décisif reste sans doute la déclaration du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, le 25 septembre 2021, à la tribune de l’ONU. Ce jour-là, au-delà des mots devenus célèbres – « La France nous a abandonnés en plein vol » –, c’est son habit traditionnel, rappelant celui de Modibo Keïta, qui a marqué les esprits. Depuis, les autorités maliennes ont adopté massivement les tenues traditionnelles, jusque dans les Conseils des ministres. Les rues de Bamako, de Koulikoro et ailleurs, témoignent elles aussi de cette évolution : les costumes-cravate s’effacent peu à peu au profit des boubous, bazins et tuniques.

Cette réappropriation de l’identité vestimentaire n’est pas isolée. Dans l’espace AES (Mali, Burkina Faso, Niger), la démarche prend une dimension politique et symbolique. Les présentatrices de journaux télévisés, par exemple, s’habillent désormais de façon locale et traditionnelle, offrant chaque soir une image de souveraineté culturelle. La Guinée n’est pas en reste : ses Conseils des ministres sont devenus de véritables vitrines du bazin et des tissus artisanaux.

Bien sûr, cette dynamique n’est pas sans conséquence : le marché du costume occidental recule, bousculé par l’essor des coutures locales. Mais il faut y voir moins une perte qu’une renaissance. Car la souveraineté n’est jamais complète sans le respect et l’affirmation de ses propres valeurs culturelles.

L’Afrique ne fait pas que s’habiller différemment. Elle affirme, par ses tissus et ses coupes, qu’elle entend exister pleinement dans le concert des nations, non pas en imitant, mais en rayonnant par ce qu’elle a d’unique.

En définitive, l’habit n’est pas seulement un vêtement. Il est devenu un drapeau, une vitrine, un acte politique. Et ce rebond vestimentaire africain, loin d’être anecdotique, marque peut-être le début d’une ère où la culture, au sens large, redeviendra le premier outil de souveraineté du continent.
Nayté

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