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Éducation sexuelle : « Si les parents ne s`en préoccupent pas, le porno s`en chargera« 

Dans son documentaire YOLOVE, contraction de Yolo («you only live once») et love, la réalisatrice Lisa Azuelos a suivi plusieurs élèves de différents établissements scolaires français pour tenter de répondre à cette question : «Et si on apprenait autre chose que la violence à l’école ?». Interview.

Harcèlement moral et sexuel, passage à tabac, diffusion d’images pornographiques… Cours de récré et couloirs exigus sont les témoins muets de ces agressions. Une violence qui impacte les relations hommes-femmes, laissant parfois une trace indélébile à l’âge adulte. Pourtant, n’est-il pas possible d’apprendre autre chose que la violence à l’école ?
Afin de répondre à cette question, Lisa Azuelos a parcouru l’Hexagone à la rencontre de ceux qui tentent de faire bouger les choses et de ces jeunes dont on parle beaucoup mais que l’on entend peu. Des réponses que la réalisatrice française a mis en lumière dans YOLOVE, un documentaire qu’elle entend désormais diffuser dans les établissements scolaires français dans l’espoir de faire bouger les choses. Entretien.

Déjà dans LOL, vous abordiez le sujet de l’adolescence. Pourquoi ce thème vous intéresse-t-il autant ?

Avant tout parce que ce sont eux qui vont s’occuper de nous lorsque l’on sera vieux. Je veux savoir qui ils sont, ce qu’ils pensent, leur regard sur la société m’intéresse et j’aimerais comprendre comment les aider. C’est aussi la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’ils possèdent des connaissances – à l’ère d’Internet – que nous n’avons pas, et pour une fois, c’est à eux de nous transmettre quelque chose. Pourtant, sur ces questions de rapports hommes-femmes, il me semble que c’est notre rôle, en tant qu’adulte, de leur enseigner ce que l’on sait. Moi aussi, à cet âge charnière, j’aurais aimé que l’on m’apporte des réponses claires sur ces questions, et notamment sur la sexualité, auxquelles j’ai mis des années à trouver les réponses. Nous sommes responsables de leur devenir. Et si cette génération est aujourd’hui en proie à une certaine violence, je crois que c’est aussi de notre faute car nous n’avons pas réussi à créer un monde de paix avec les générations précédentes.

Vous évoquez le harcèlement à l’école, le libre accès à lapornographie, la sexualité des adolescents… Que vouliez-vous mettre exactement en lumière à travers ce documentaire ?

Le titre donne un indice. J’espère, au travers de ce documentaire, faire comprendre à ces jeunes que l’on a qu’une vie et que celle-ci doit être tournée vers l’amour de soi et des autres, sinon c’est un véritable gâchis. Je veux leur montrer qu’il est primordial de remettre l’amour au centre des rapports humains et de la vie.

Vous parlez également des mouvements #MeToo et#BalanceTonPorc. Pensez-vous qu’ils ont eu un impact sur cette jeunesse à qui vous donner la parole ?


C’est justement à la suite de l’éclosion de ces mouvements que j’ai voulu savoir si cela avait impacté la vie des adolescents, et, si oui, de quelle manière. Et au regard de ce que j’ai pu constater, l’impact est énorme. Les garçons ont été énormément touchés, notamment par le terme «porc», auxquels ils craignaient de ressembler ou d’être assimilés. Quant aux jeunes filles qui se sentaient mal à la suite d’une agression, elles se sont rendu compte qu’elles n’étaient pas seules. Je suis persuadée que ces mouvements ont réveillé nombre de questionnements, auxquels il faut désormais répondre. Maintenant, il est important d’aborder ces sujets avec les jeunes, et ainsi, ne pas laisser ces mouvements s’essouffler. C’est aussi le rôle de l’école, qui doit s’emparer de ces sujets pour ouvrir le débat.

À ce propos, Diariata N’Diaye, slameuse que vous interviewez dans votre documentaire, estime qu’aucun focus sur la violence ou le consentement dans les écoles n’est fait, et que c’est aussi ça le rôle de l’Éducation nationale.

Je suis convaincue que ces questions de rapports hommes-femmes doivent être abordées sérieusement à l’école. Les parents ont beau faire de leur mieux à la maison, leurs enfants passent tout de même huit heures par jour à l’école, neuf mois par an. Et je crois sincèrement que l’Éducation nationale a un rôle fondamental à jouer pour apprendre à ces jeunes à vivre ensemble, mais aussi à se connaître eux-mêmes et à avoir confiance en eux.

Marlène Schiappa estime que l’on apprend très vite aux petites filles à faire attention, mais pas aux garçons à ne pas «agresser». C’est l’éducation de ces derniers qu’il faut revoir ?


Je crois que cela concerne autant l’éducation des petites filles que des jeunes garçons, l’un ne va pas sans l’autre et cet apprentissage se poursuit jusqu’à l’adolescence où garçons comme filles doivent notamment apprendre à vivre avec un nouveau corps. Les parents doivent se montrer d’autant plus présents à ce moment-là. Notamment, par exemple, pour éviter que peur et amour soient toujours assimilés : peur de paraître ridicule aux yeux de l’autre, peur d’être impuissant pour les garçons, peur de ne pas savoir s’y prendre lors de la première fois… Car, sur les questions en matière de sexualité, si les parents et l’Éducation nationale ne se préoccupent pas de cet apprentissage, le porno, lui, s’en chargera, avec le lot de violences qu’il véhicule.

D’après ce que vous avez appris au cours de ce petit «tour de France» des initiatives qui donnent la parole aux jeunes, qu’avez-vous retenu des rapports filles-garçons ?


J’en viens à la même conclusion que pour les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc. Il n’est pas seulement question de genre, c’est avant tout une remise en question globale du modèle économique et social dans lequel nous vivons, désormais obsolète. C’est-à-dire une société matérialiste, basée sur un modèle dominant-dominé, qui enferme les femmes et les hommes dans ce même schéma et duquel ils tentent désormais de s’échapper. Ce que je vois également chez cette génération.

Que peut-on changer pour que ces rapports s’améliorent ?

Avant toute chose, c’est l’image qu’ont les jeunes d’eux-mêmes qu’il faut améliorer. À l’ère des réseaux sociaux, ils sont tiraillés entre ce à quoi ils voudraient (ou devraient) ressembler selon les «normes» véhiculées par Instagram et leur propre personnalité. Ce n’est pas évident, qui plus est à un âge où il est difficile de savoir qui l’on est. La plupart des jeunes se sentent obligés de renvoyer une image qui ne leur correspond pas, et je crois qu’ils n’ont plus envie de faire semblant. Les garçons, par exemple, sont prisonniers dans cette injonction à la virilité, tandis que les filles sont cantonnées à être dociles et gentilles ou hyper sexy. Ces stéréotypes véhiculés par la société ainsi que les réseaux sociaux les empêchent de trouver leur véritable identité parmi cette surabondance d’informations. C’est le rôle des parents autant que de l’école de les aider dans cette quête de soi.

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